démarche et réalisations
Je m’appelle Ludmila et je suis une artiste multidisciplinaire brésilienne basée à Montréal depuis 2009. Vers l’année 2000, pendant mes études universitaires, j’ai croisé le chemin de certaines personnes qui ont marqué mon parcours pour toujours. Ces personnes m’ont donné un premier goût de l’art contemporain. Après l’université, vers 2005, j’ai eu l’occasion de créer ma première série : A Ausência de Todas as Cores ou L’absence de toute couleur, une séquence de photographies de ma famille que j’ai numérisée et sur lesquelles je suis intervenue aussi numériquement, en dissimulant l’image de personnes disparues. Cette série a participé à plusieurs expositions de groupe et solo au Brésil comme à l’international et a déchaîné un prix. C’est cette série que m’a projetée également sur internet, avec la publication de mon travail sur le site web Lensculture, une revue virtuelle sur la photographie contemporaine, vers 2006.
Au contraire de la série précédente, la prochaine, Fiat colorem et ses déclinaisons Ex-voto et Face à face, (2012-2015) ont comme support de vraies photographies allemandes et québécoises des années 1950 environ. Les photographies québécoises sont des artefacts trouvés dans des brocantes et foires d’antiquités. Les albums allemands du post guerre cependant, ont été des cadeaux de mon mentor et commissaire allemand Thomas Kellner, qui j’ai rencontré pendant une lecture de portfolio au Brésil en 2010 environ et avec qui je travaille encore aujourd’hui. Notre dernière péripétie étant notre voyage avec une délégation internationale en Chine, pour le Festival international de la photographie de Pingyao, où j’ai participé à une exposition de groupe commissarié par ce dernier.
De ces photographies s'estompe alors le profil de personnes et d’objets, derrière une couche brodée en couleurs. La broderie est une technique artisanale qui fait partie de la culture populaire et de l'iconographie brésiliennes, et qui passe de génération à génération. Dans les séries Ex-voto et Face à face, je continue ce genre de collage textile, en ajoutant d’autres matériaux comme la dentelle, de petits objets et autres. Avec ces séries, je ne fais que répéter un geste naturel de perpétuation de la tradition. Une trouvaille d’un artefact de famille qui date probablement des mêmes années 1950 ou plus tôt, a influencé le choix de couleurs, mais spécialement mes patrons formels. Ces séries ont été présentées dans mon exposition solo de 2015 à Montréal et aussi en Allemagne en 2008 et 2017.
Je suis partie de la pratique numérique pour faire un retour quasi total à la matière. Dans la nouvelle série intitulée Fauna, je fais mon entrée dans l’espace, et mon jeu de cache-cache prend la forme d’objets et d'installations. Je construis des masques à partir de morceaux textiles trouvés ou gagnés sur lesquels je viens broder, ajouter, assembler. Jusqu’à présent, deux masques ont vu le jour : le masque no. 1 et le masque no. 2. L’objectif conceptuel de la création d'installations néanmoins, est celui de la création comme acte de faire naître. Je crée alors des présences, que je nomme Entités. L’entité no. 1, est une installation construite avec des rubans de satin, matériau de base et symbole même de l’iconographie populaire brésilienne. Elle a été présentée depuis 2015 dans quelques expositions au Québec. Elle a également voyagé au Brésil, où j’ai eu l’occasion de la portraiturer dans son vrai “habitat naturel”.
C’est en ce moment charnière de ma carrière que mon travail prend de dimensions politiques et de caractère social. La nouvelle série, comme les précédentes, traite de disparition. Mais là, Fauna va encore plus loin, elle discute des questions d'effacement social, de perte d’identité et de la marginalisation de minorités. Je vois dans le future de la série la continuation de la construction de cette faune personnelle de “misfits”, avec l’utilisation d’autres types de fibres comme des pièces crochetées trouvées, de la dentelle, du tulle et autres pour jouer avec la suggestion de formes basées sur le corps humain, et qui puissent occuper l'espace ou être portés (masques). La série multidisciplinaire se complète alors d’autoportraits où je pose masquée e/ou accompagnée par mes entités, pour des photographies. Du geste de poser, déjà une action, découlera de vidéo-performances et de performances in situ.
Au début de ma carrière et pendant longtemps, je me suis occupée à effacer, à cacher ou à dissimuler en utilisant l'appropriation et l’intervention sur photographie comme médium principale. Maintenant, c’est moi même que je dissimule, que je cache. Je me donne le pouvoir de décider quoi montrer, et quoi faire disparaître. Je me considère également une collectionneuse, non seulement de photographies et d’objets, mais également d’images et de présences de personnes, d’objets, de paysages, parce qu’en les cachant, je les garde probablement à jamais. Je me considère aujourd’hui une artiste multidisciplinaire dans le pur sens de l’expression, parce que l’acte de montrer et de dissimuler envahit l’espace, sur la forme d’objets et d'installations textiles, avec cette nouvelle série.